"La délinquance est le fait des immigrés"
Par Koceila Bouhanik
Le bilinguisme est le lit de la délinquance chez les populations immigrées. Voilà en teneur la saisissante équation théorisée par Jacques-Alain Bénisti, député UMP [1] du Val de Marne et maire de Villiers-sur-Marne. Le député-maire français est également président d’une Commission parlementaire [2] chargée d’enquêter sur les moyens à mettre en œuvre pour prévenir la délinquance et qui a à cet effet présenté un pré-rapport très controversé, dans lequel elle affirme que le bilinguisme des populations immigrées est à l’origine de leur délinquance. Afrikréagir à la parution du pré-rapport, mais la démarche ne suffisait pas. Pour mieux comprendre, nous sommes allés à la rencontre du principal intéressé. C’est un député affable et cordial qui nous a reçu dans son cabinet de l’Assemblée nationale, mercredi 9 mars. Affable, certes, mais toujours aussi convaincu du bien-fondé de son pré-rapport. Près de deux heures d’entretien pour une conclusion toujours aussi dérangeante au final. ne pouvait que
Afrik.com : Avant tout, précisons
que le pré-rapport remis au ministre de l’Intérieur en novembre dernier
est une simple mouture. A quand la version finale ?
Jacques-Alain Bénisti : Pour très bientôt. Le rapport définitif paraîtra certainement en octobre ou novembre.
Afrik.com : Votre pré-rapport a
été très décrié dans la presse et sur Internet. On vous reproche
notamment de stigmatiser les populations étrangères et d’origine
étrangère. Quelle est votre position concernant ces accusations ?
J-A. Bénisti : Soyons clairs. La délinquance est
majoritairement le fait des immigrés. Selon l’Observatoire national de
la délinquance, il y a une augmentation impressionnante des délits
commis par les jeunes issus de l’immigration. Je n’invente rien, les
chiffres sont là. Sachant cela, deux solutions s’offrent à nous : soit
on n’en parle pas, soit on règle le problème.
Afrik.com : A quoi est dû cet état de fait selon vous ?
J-A Bénisti : En fait, la politique française de
l’immigration a échoué. Toutes les solutions n’ont pas été données aux
immigrés et, aujourd’hui, on en paye le prix. C’est dans cette optique
que la proposition de loi intervient.
Afrik.com : Supprimer le bilinguisme pour supprimer la délinquance... ?
J-A Bénisti : Il ne s’agit en aucun cas de supprimer le
bilinguisme. Mais le schéma est le suivant : sur une semaine complète,
soit 168 h, un jeune d’origine étrangère entendra parler 28 h de
français à l’école et 140 h du dialecte de son pays à la maison.
Forcément, il va finir par connaître des difficultés scolaires et au
bout du compte, décrocher, se replier sur lui-même. Ce qui entraînera
encore une augmentation de son retard. Plus grave encore, non seulement
ce jeune en difficulté fait des bêtises, mais il nuit aux autres
élèves, les faisant même régresser. Mais à force de fustiger le cancre,
de l’isoler, son besoin d’exister va trouver son épanouissement dans la
délinquance. On peut d’ailleurs le constater par l’augmentation de la
délinquance mineure depuis 1996. En ce qui concerne la langue, le jeune
ne doit toutefois pas perdre de vue ses origines et son dialecte
maternel, comme l’arabe par exemple ou le “ gambara
” (regardant sa collaboratrice), comment dit-on déjà ? Cependant, et
j’insiste sur ce point, son apprentissage ne doit se faire qu’à partir
de 12 ans, lorsque l’on est sûr que le jeune maîtrise parfaitement
notre langue, le français.
Afrik.com : Vous voulez
certainement parler du bambara, Monsieur Bénisti. Toutes les études
convergent pourtant vers la même conclusion : la langue, comme élément
de l’identité, reste fondamentale dans la construction d’un individu.
Alors plus encore qu’une question de langue, la délinquance ne
tiendrait-elle pas à d’autres facteurs plus notables, comme les
difficultés économiques ou la démission des parents ?
J-A. Bénisti : Il y a, bien entendu, divers facteurs qui
interviennent dans le parcours d’un délinquant et ceux-ci en font
partie. La principale raison reste néanmoins la difficulté d’apprendre
la langue, à laquelle s’ajoutent des problèmes d’éducation, notamment
chez les Maghrébins et les Africains. En fait, les problèmes se
cumulent et les difficultés se manifestent de manière concrète. Par
exemple, bon nombre de jeunes ne peuvent passer le permis de conduire à
cause de la barrière linguistique et ont donc plus de mal à trouver un
travail.
Afrik.com : Dans ce cas, concrètement, quelles sont les solutions que vous proposez d’apporter ?
J-A. Bénisti : Il ne s’agit pas de jeter la pierre aux
écoles, mais dans toutes les Z.E.P (Zones d’enseignement prioritaires,
ndlr), on envoie des jeunes enseignants qui finissent par saturer de
trop de problèmes. Dans ce pré-rapport, nous proposons la création
d’une structure au sein de l’école, qui offrirait un programme
d’alphabétisation et d’accompagnement des élèves difficiles par un
personnel professionnel et adapté : pédopsychiatres, psychiatres,
médecins scolaires, professeurs, etc. L’acteur principal de cette
structure, avec le jeune en difficulté, serait le référent, qui
pourrait être un enseignant à la retraite, chargé de surveiller et de
superviser un petit groupe d’élèves difficiles. Ce programme pourrait
éventuellement concerner les jeunes dyslexiques, les jeunes en
situation familiale difficile ou en échec scolaire, mais resterait
essentiellement basé sur les jeunes immigrés car, comme je vous l’ai
dit, la délinquance est causée par ces mêmes jeunes. Le maire doit être
au cœur du dispositif car il connaît sa population et les
problématiques qui la concernent. Il interviendrait en cas de danger de
mort, d’inceste, de pédophilie, etc. Les travailleurs sociaux devraient
en conséquence partager leur secret avec lui : c’est la notion de
secret partagé. A partir de cela, le maire pourrait décider d’un
placement par exemple.
Afrik.com : N’est-ce pas là le rôle d’un juge pour enfants ?
J-A. Bénisti : Non, pas spécifiquement. Bien souvent, les
travailleurs sociaux hésitent à solliciter un juge. Le maire, qui
connaît bien ses administrés, constitue un excellent intermédiaire et
déciderait immédiatement de la marche à suivre, dans les cas graves
uniquement. Car les familles africaines ne reconnaissant qu’une
autorité : “ Le chef de la tribu ”, en l’occurrence, le maire, qu’ils
écoutent. Ce système éviterait bien des procédures longues et
fastidieuses.
Afrik.com : Vous revenez également beaucoup sur le rôle de l’enseignement professionnel et de l’internat dans votre rapport...
J-A. Bénisti : Les internats sont des structures idéales
pour rectifier le tir, et non des lieux de stockage des jeunes en
difficulté, comme me l’a reprochée une mauvaise presse. En ne revenant
que le week-end dans un environnement peu propice à son épanouissement,
le jeune ne peut pas tomber dans la délinquance. Quant à l’enseignement
professionnel, il rentre en ligne de compte uniquement quand toutes les
autres solutions ont échoué. Dès la sortie de l’école primaire, au lieu
de suivre le cycle normal, le jeune de 12 ans entrerait dans une
Faculté des métiers, qui sont l’équivalent du C.A.P (Certificat
d’aptitude professionnelle, ndlr). En trois ans, il apprendrait à lire,
écrire et compter correctement. Pas d’encombrement inutile avec
l’histoire, la philosophie, l’anglais ou autre, car ces matières ne lui
plaisent pas. Doué de ses mains, il pourrait apprendre le travail du
bois, du fer, l’informatique, l’électronique, l’électricité, etc. Tous
ces métiers manuels dont nous avons besoin, en somme. La première
année, il apprendrait les fondamentaux, pour savoir au moins faire une
lettre d’embauche correcte. A 14 ans, il commencerait l’apprentissage
de tous les métiers que propose la Faculté. Puis à 15 ans, il pourrait
choisir sa voie définitive et faire des stages en entreprise. Enfin, à
16 ans, il entrerait dans la vie active ou continuerait d’aller à
l’école. Il faut également souligner l’importance du sport, car le
sport peut sauver. Prenons le cas des sports collectifs. Ceux-ci
inculquent un esprit d’équipe, une logique de règle. Ils permettent de cadrer
les jeunes. Les arts martiaux participent aussi à cet état d’esprit et
enseignent une maîtrise et une philosophie de vie. Ils permettent
également de récupérer le jeune.
Afrik.com : Quand vous dites “ cadrer ” le jeune et le “ récupérer ”, sous-entendez-vous un contexte de délinquance ?
J-A. Bénisti : Oui. Et à ce titre, il existe une
graduation de la délinquance. Pour la replacer dans l’idée du
bilinguisme, il y d’abord la consommation de drogues douces, le “ shit
”, pour se valoriser. En effet, le jeune qui a des problèmes
d’élocution consomme du shit car il lui permet de mieux s’exprimer.
Ensuite vient l’escalade et le jeune se met aux drogues dures.
Afrik.com : Dans le pré-rapport, la courbe (cf page 7 du pré-rapport)
occupe une place centrale puisque c’est autour d’elle que s’articulent
les explications qui suivent. Quelles en sont les sources ? Quelles
études ont été menées sur le sujet, sur quelle longueur de temps et sur
quelles populations ?
J-A Bénisti : Ce sont les faits de police qui ont permis
d’établir les statistiques de la courbe qui reposent sur toutes les
catégories de délinquance par degrés, selon les âges. Les pointillés
qui relient la courbe déviante d’un délinquant au parcours normal d’un
jeune sont les succès enregistrés de rattrapage des jeunes. Plus les
faits de délinquance sont graves, plus il est difficile de les
récupérer.
Afrik.com : Vous êtes également
maire de Villiers-sur-Marne. Quelles sont les actions que vous menez
pour pallier les problèmes d’intégration ?
J-A. Bénisti : Intégration signifie la fin de la
délinquance et la fin de la délinquance signifie la fin du racisme.
Récemment, le poste de police s’est fait attaqué au cocktail Molotov
par une bande de jeunes Africains accompagnés de quelques Maghrébins.
Imaginez ce que peuvent alors penser les personnes qui regardent ce
triste spectacle par leur fenêtre. En tant que maire de
Villiers-sur-Marne, j’ai créé des cours d’alphabétisation, pour les
femmes maliennes notamment, et, déjà, il y a des tentatives d’instaurer
le français à la maison. Toutefois, les maris maliens sont assez
réticents et préfèrent apprendre le “ bamboula ”
(lapsus de J-A. Bénisti qui voulait dire bambara, ndlr) à leurs
enfants. Les femmes doivent donc trouver des solutions cachées pour
continuer à parler français et parler français à leurs enfants. Lors du
naufrage de l’Erika, j’ai envoyé des jeunes de la ville nettoyer les
plages en échange d’un travail, si tout se passait bien. Hormis un seul
que j’ai mis à l’écart à cause d’un petit vol, chacun a respecté sa
part du contrat. J’ai donc tenu parole et placé les autres dans les
équipes de la mairie. Certains constituent les équipes de « détaguage »
(enlever les graffitis, ndlr), d’autres sont dans la sécurité, et
d’autres encore ont réalisé leur projet d’ouvrir une boucherie hallal.
Je les prends comme des modèles de réussite pour les autres. Quant aux
réunions de citoyens et des communautés de la ville, elles nous
confirment une chose indiscutable. Par exemple, les Béninois de
Villiers sont tout à fait conscients de l’importance d’apprendre
impérativement le français aux enfants et plébiscitent largement notre
démarche. Ceci est aussi valable pour les Congolais et les Ivoiriens,
qui sont par ailleurs très attachés à la France. Il est vrai que le
français est déjà incorporé dans l’éducation des parents donc le
transmettre aux enfants n’est pas un problème.
Afrik.com : Ce modèle ne peut-il pas s’adapter aux autres communautés, comme celle des Asiatiques par exemple ?
J-A Bénisti : Non, pas vraiment. Chaque origine a sa
spécificité. La France doit s’adapter. Par exemple pour la communauté
Tamoul, la donne change : l’individu doit s’épanouir dans le travail, à
l’identique de toutes les communautés asiatiques. Ils parlent français
avec l’enfant, mais lui enseignent également le tamoul, de même que
l’arabe pour comprendre le Coran. Et c’est par un travail acharné que
l’enfant acquiert toutes ces langues. Quand les autres jouent, lui ne
s’amuse pas, il travaille et ne s’arrête que pour manger. Bien souvent
d’ailleurs, les Tamouls ou les asiatiques sont premiers de la classe,
tout en maîtrisant plusieurs langues. Ce qui n’est pas le cas des
Maghrébins ou d’autres.
Afrik.com : Et les parents dans tout ça ?
J-A Bénisti : Beaucoup d’enfants égale beaucoup
d’allocations. Je propose dans le rapport de sanctionner pécuniairement
les parents dans l’intérêt de l’enfant car les pères de famille sont
sensibles à cet argument. Il faut travailler avec les parents et tenir
compte des réalités de chaque famille. Fréquemment, la mère est seule
car le père est parti au pays ou avec une autre femme. Il y a un manque
évident d’autorité. On doit donc aider la mère, qui ne serait jamais
sanctionnée financièrement, bien sûr. En fait, il faut faire prendre
leurs responsabilités aux mères par une politique de peur et par une
politique de pression financière vis-à-vis du père. Cette “ Epée de
Damoclès ” est la seule efficace pour inciter les pères à écouter.
Afrik.com : Sur combien de temps ces mesures seraient-elles appliquées ?
J-A. Bénisti : Ces mesures seraient à mettre en place sur
un long terme. Au final, le problème de la délinquance serait
certainement réglé définitivement en 20 ans. Certes, cela est long,
mais il faut penser aux générations futures. Quant au budget que les
mesures représentent, il revient moitié moins cher que ce que coûte
aujourd’hui la délinquance.
Afrik.com : Projet ambitieux.
Enfin, évoquons les annexes, qui occupent une place non négligeable
dans le pré-rapport. Quel est leur lien avec le bilinguisme ?
J-A Bénisti : Les annexes concernent les propositions
d’une entreprise de sécurité de sites nucléaires pour la protection des
espaces et des personnes dans les cités sensibles et n’ont strictement
rien à voir avec le rapport. Elles ont simplement été incluses dedans
et envoyées au ministre, qui ne les a d’ailleurs pas retenues.
Lire aussi :
Bilinguisme et délinquance : le rapport Bénisti
Consulter le pré-rapport Bénisti
[1] Union de la Majorité Présidentielle, parti de droite au pouvoir
[2] 17 membres, dont 14 de UMP, deux du Parti Socialiste (PS) et un de l’Union pour la Démocratie Française (UDF)
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